Erreur d’auteurs #4 : la voix narrative intrusive
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Quand l’auteur s’invite dans son roman : la voix narrative intrusive
Aujourd’hui, je vous parle de voix narrative, et en particulier de celle qui donne l’impression au lecteur d’avoir une voix-off intrusive qui commente le roman qu’il est en train de lire.
Dans cette série d’articles, je voudrais partager avec vous les erreurs les plus fréquentes que je vois dans les romans dont je fais la bêta-lecture. En effet, écrire, ça s’apprend, et quand on est auteur débutant, on fait des erreurs, et certaines reviennent souvent. Ce sont celles que je veux partager avec vous !
Avec cette série, j’espère vous aider à comprendre de nouveaux concepts d’écriture créative, à regarder d’une autre manière votre histoire en cours et même, peut-être, à provoquer chez vous un de ces moments magiques qui vous font avancer.
1. L’impression à la lecture d’une voix narrative intrusive
A la lecture, on a l’impression d’entendre quelqu’un nous raconter une histoire, malgré le fait que l’histoire est à la troisième personne. Il y a comme une voix-off omniprésente qui commente ce qu’il se passe. Elle donne son opinion, juge les actions des personnages et de temps en temps, peut digresser sur un sujet de société ou faire de l’humour. Mais ce n’est pas constant.
En lisant, je me demande souvent qui raconte l’histoire, parce qu’à certains moments, la voix narrative semble incarnée, comme si un des personnages racontait l’histoire du futur, par exemple, ou alors comme si on allait découvrir plus tard qui est cette personne qui prend beaucoup de place dans l’expérience de lecture.
Les commentaires peuvent sembler intrusifs ou déplacés. En tout cas, ils forment une couche narrative qui se pose sur les scènes que vivent les personnages, et ce, de manière irrégulière. Il peut arriver qu’il y ait des adresses au lecteur « tu », mais elles sont erratiques et surprenantes.
A la fin de la lecture, on se rend compte qu’on n’apprend jamais qui fait ces commentaires. Cela semble inconscient de la part de l’auteur.
Et honnêtement, j’ai souvent envie de faire taire cette voix pour retourner dans l’action et me concentrer sur l’histoire des personnages. J’ai l’impression qu’on me dit quoi penser, quoi trouver drôle ou qu’on cherche à me convaincre de quelque chose.
2. La source du problème d’une voix narrative intrusive
Souvent, après avoir discuté avec l’auteur, le problème vient d’une écriture au feeling, sans avoir réfléchi à la manière de raconter l’histoire.
Inconsciemment, le romancier veut faire partie de l’histoire, montrer son humour en faisant des blagues ou donner son avis sur les personnages. Il raconte l’histoire comme il raconterait une anecdote à des amis : en mettant beaucoup de sa personnalité dans l’histoire : ses opinions, son humour, ses bons mots. Il parle des personnages comme de personnes qu’il connait et sur lesquels il a des opinions. Il commente la scène qu’il a lui-même imaginé en quelque sorte.
Cela met le focus sur le narrateur : on se demande qui raconte l’histoire, s’il dit la vérité et même quelle est son histoire à lui.
Mais souvent, le lecteur n’est pas intéressé par la personnalité de l’auteur. Il est intéressé par les personnages et par ce qu’il leur arrive. Et il a envie de se faire sa propre opinion sur le comportement et les décisions des personnages.
👉 La principale source de ce problème est le manque de réflexion, avant l’écriture, sur le cadre narratif et la voix narrative, ainsi que le manque de tests, sur une scène, de plusieurs options.
3. Les pistes de solution
Alors si vous faites partie des romanciers qui se lancent dans l’écriture d’un roman sans trop penser à la voix narrative, je vous propose deux pistes de réflexion pour éviter cette confusion. Vous offrirez alors une meilleure expérience de lecture.
👉 De quel point de vue écrivez-vous ?
Vous pouvez choisir entre une narration à la première personne, à la deuxième personne (plus rare et je n’en parlerai pas ici) et à la troisième personne.
A la première personne, un ou des personnages racontent l‘histoire et dans ce cas-là, le problème ne se pose pas, puisque le lecteur a accès au ressenti du personnage (et pas de l’auteur), à ses opinions, son humour, etc…
A la troisième personne, on peut soit être du point de vue interne du personnage – on a alors accès, comme à la narration à la première personne à son monde intérieur et à ses perceptions du monde extérieur – ou alors être du point de vue externe.
C’est là que le problème évoqué plus haut se pose : on a un narrateur qui regarde les personnages de l’extérieur. Ce narrateur peut être soit neutre, soit incarné. Dans tous les cas, il en sait plus que les personnages.
👉 Une voix narrative incarnée par choix
Si le narrateur est neutre et omniscient, il sait tout, mais il n’a pas d’opinions sur ce qu’il se passe. La voix narrative est invisible pour le lecteur. Le lecteur ne se demande pas qui raconte l’histoire, il est dans l’histoire. Il n’a pas la sensation que quelqu’un lui raconte une histoire.
Par contre, si le narrateur est incarné, alors il sait (ou se demande, comme dans la série Gossip Girl par exemple), qui lui raconte l’histoire et dans quel cadre.
Le narrateur incarné peut commenter ce qu’il se passe, donner son avis, avoir une voix distinctive, des tics de langages ou utiliser un jargon ou de l’argot. Il peut rire des choix des personnages.
En effet, il existe quelque part dans l’histoire. C’est peut-être Dieu, peut-être une personne décédée (comme dans Desperate Housewives), peut-être une journaliste.
C’est un choix conscient de la part du romancier. Et ce narrateur incarné est un personnage à part entière, qui doit être construit comme tel.
En conclusion
L’erreur, à mon sens, n’est pas d’utiliser une voix incarnée, mais de le faire de manière inconsciente, en injectant dans son histoire ses propres commentaires d’auteur, sans travailler la voix narrative, ni le cadre narratif. Cela perd le lecteur qui se demande qui vient ajouter ses opinions sur l’histoire et cela peut aller jusqu’à l’impression qu’on nous dicte quoi penser des personnages ou même quoi penser tout court.
Bien sûr, votre histoire peut véhiculer un message social, politique ou spirituel, mais elle doit le faire au travers des personnages et des situations dans lesquelles ils se retrouvent.
La solution est de choisir consciemment sa voix narrative en amont et de l’appliquer de manière constante tout au long de l’histoire.