3 façons de gaspiller l’attention de vos lecteurs
Quand je bêta-lis un roman, je me concentre sur un élément essentiel : où va mon attention.
En effet, l’une des clés d’une bonne expérience de lecture, c’est que notre attention soit captée entièrement par l’histoire. En tant que lecteur, on est alors immergé dans le roman et on n’a pas envie de le refermer pour regarder son smartphone !
Mais là où les choses se compliquent, c’est que l’attention du lecteur doit être dirigée vers les éléments intéressants de votre histoire : l’atmosphère cozy que vous voulez mettre en avant, la complexité psychologique de vos personnages et les rebondissements de votre intrigue, par exemple.
Et l’un des écueils que je vois souvent, c’est que l’attention du lecteur se perd dans des détails que l’auteur n’a pas anticipés, ou bien se dilue dans des éléments qui n’apportent rien à l’histoire.
Dans cet article, je vous explique trois erreurs qui dispersent mon attention quand je bêta-lis vos romans.
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1. La base : où et quand ?
Lieu : souvent, les auteurs ont un peu peur d’ancrer une histoire dans un lieu précis, tout en s’inspirant d’un lieu qu’ils connaissent (en vrai ou pas). Et on se retrouve alors avec des sortes d’indices (des cafés spécifiques, des noms de rues, des cathédrales familières), mais pas de nom de ville. On se trouve un peu coincé entre la vraie ville rendue de manière réaliste et une ville fictive bien construite. Alors, certains lecteurs vont consacrer un peu de leur attention à comprendre s’ils sont censés savoir où se passe l’histoire. Si cette question n’est pas un enjeu de votre intrigue, alors ça ne sert à rien.
Période : c’est le même problème. Cela peut être délicat d’assumer la date exacte de son roman. C’est plus simple, selon le genre dans lequel on écrit, de laisser planer le doute et d’écrire un peu hors du temps. J’en parle notamment dans cet article. En tant que lecteur, on peut déduire la période grâce aux technologies, au langage et à quelques références culturelles notamment. Mais si les éléments sont trop flous ou bien un peu incohérents, alors notre attention se perd dans une question qui n’est pas la question narrative de l’histoire.
Chronologie : enfin, la chronologie peut rendre fou le lecteur et aussi diluer complètement son attention. Si le lecteur ne cesse de se demander combien de temps s’est écoulé depuis la dernière scène, si on est dans un flash-back ou si les points de vue alternés se chevauchent ou pas, il n’est pas concentré sur ce qui est intéressant, ni vraiment immergé dans votre histoire.
2. Les faux espoirs non-intentionnels
Dans mon rapport de bêta-lecture, j’ai une partie « Dans la tête de la bêta-lectrice » où je note en vrac, au fil de ma lecture, les hypothèses qui se forment dans ma tête, les indices que je crois voir ou bien les révélations que j’ai hâte de découvrir. (C’est une partie assez drôle où je vous dis aussi si je pleure, si je ris ou si j’ai besoin d’une pause !) Après la lecture, en relisant cette partie, je me rends compte parfois de ces moments de faux espoirs.
Ce que j’appelle de faux espoirs non-intentionnels, ce sont des allusions à des éléments intéressants sur l’univers narratif, sur les personnages ou sur l’intrigue qui ne sont jamais mentionnés de nouveau. On peut faire allusion à un secret ou un traumatisme d’enfance, à un lieu particulièrement original ou à une situation récente, puis ne plus jamais en parler. Je ne parle pas de fausses pistes laissées là intentionnellement pour détourner l’attention du lecteur. Le plus souvent, il s’agit d’un élément qui était présent dans la fiche du personnage et de manière plus générale dans le travail préparatoire du roman, mais qui finalement n’a pas été développé pour une raison ou une autre.
Le résultat, c’est qu’une partie de notre attention est captée par ce détail et une attente reste dans notre tête pendant la lecture. C’est une sorte de préparation sans paiement.
3. Le suspense inutile intentionnel
Parfois, pour créer du suspense, l’auteur cache des informations au lecteur. Et parfois, ce n’est pas très utile ! C’est le cas, par exemple, quand un personnage que l’on connait est soudainement décrit par des détails en début de scène sans mention de son nom. Notre attention est donc consacrée à découvrir qui est ce personnage, et après quelques paragraphes, c’est juste le personnage principal et tout continue comme si cette petite blague n’avait jamais eu lieu ! Cela peut arriver aussi pour annoncer une situation logique et attendue dans l’intrigue en la présentant comme une surprise pour se rendre compte ensuite que c’est seulement la suite annoncée en transition dans le chapitre précédent.
En soi, le procédé peut être intéressant s’il a une raison d’être, mais si c’est juste pour habiller un peu un début de chapitre, ça vaut la peine de se demander si vous voulez vraiment utiliser l’attention de votre lecteur pour cela.
À mon avis, chaque petit mystère résolu ou révélation devrait contribuer à assembler le puzzle de votre histoire. L’effet pour l’effet finit par tomber à plat et par gaspiller l’attention du lecteur.
En conclusion,
l’attention de votre lecteur est précieuse et votre défi (si vous l’acceptez !) est non seulement de la conserver du début à la fin, mais aussi de la diriger vers les éléments intéressants de votre histoire : des informations basiques (mais essentielles) aux (vraies) fausses pistes, en maintenant un suspense (solide) jusqu’aux révélations (significatives).